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1785 Taillefer

[Antoine Taillefer], Tableau historique de l'esprit et du caractere des littérateurs françois, Depuis la renaissance des Lettres jusqu'en 1785 ; ou Recueil de traits d'esprit, de bons mots et d'anecdotes littéraires. Tome premier, Versailles et Paris, Chez Poinçot et Chez Nyon, 1785, p. 28-29.

Un exemplaire numérisé est consultable sur le site Google Livres.

 

   LOUISE CHARLY, dite LABÉ, et surnommée LA BELLE CORDIERE, née à Lyon en 1526, morte en 1566.

 

  La premiere passion de cette femme savante fut celle des armes, sous les habits d'homme et sous le nom du Capitaine Lois. Elle se rendit au siége de Perpignan avant sa seizieme année, où elle se distingua par sa valeur. Si l'amour ne lui eût fait quitter les armes, elle eût pu s'y faire un nom.

   Louise Labé savoit le François, l'Espagnol, l'Italien, le Latin et le Grec : elle écrivoit en vers et en prose ; chantoit, et jouoit du luth avec une égale facilité.

   Quand on songea à la marier, les partis se présenterent en foule. Elle donna la préférence à un riche marchand de cables, nommé Ennemond Perrin. De là vint à Louise Labé le surnom de la belle Cordiere.

   Elle étoit encore jeune lorsque son mari mourut. On prétend qu'elle mit à profit la liberté du veuvage, pour se livrer à ses goûts, qui n'étoient pas fort chastes. Intimement liée avec Clémence de Bourges, elle abusa de sa confiance. Clémence avoit un amant ; ayant fait des vers à sa louange, elle les communique à son amie. Le portrait étoit sans doute séduisant : il inspire à Louise Labé l'envie de subjuguer l'original. Dans cette vue, elle composa des vers qu'elle lui envoie. Ces vers, plus agréables apparemment que ceux de Clémence, eurent plus de succès.  Celui qui en étoit l'objet, abandonna sa maîtresse pour s'attacher à Louise, qui lui prodigua ses faveurs. Clémence, justement indignée, lui voua une haine qui dura jusqu'à sa mort. Elle fit des vers satyriques contre elle ; mais Louise dédaigna de répondre. Fiere de lui avoir enlevé sa conquête, elle se consola peut-être du tort qu'on faisoit à sa réputation par le triomphe de son amour-propre.

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