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1769 La Croix

Jean François de la Croix, Dictionnaire historique portatif des femmes celebres, Tome second, Paris, Cellot, 1769, p. 1-3.

Un exemplaire est consultable sur le site Google Livres.

 

   LABÉ, (Louise) surnommée la belle Cordiere, parce qu'elle avoit épousé un homme qui faisoit trafic de cordes, étoit de Lyon, et a laissé son surnom à la rue où elle demeuroit. Elle vivoit dans le seizieme siécle, sous le règne de Henri II, et se fit une réputation étonnante, autant par le métier de courtisane qu'elle exerçoit, que par son esprit et ses poësies. Du Verdier Vau-Privas, dans sa Bibliotheque françoise, en parle dans les termes qu'on va voir. « Louise Labé, courtisane Lyonnoise, (autrement nommée la belle Cordiere) pour être mariée à un bon-homme de Cordier, piquoit fort bien à cheval, à raison de quoi les gentilshommes, qui avoient accès à elle l’appelloient le capitaine Loys ; femme au demeurant, de bon et gaillard esprit, et de médiocre beauté ; recevoit gracieusement en sa maison seigneurs, gentilshommes et autres personnes de mérite, avec entretien de devis et discours, musique, tant à la voix qu’aux instrumens, où elle étoit fort duicte ; lecture de bons livres latins, et vulgaires, italiens et espagnols, dont son cabinet étoit copieusement garni ; collation d’exquises confitures : enfin, leur communiquoit privément les piéces les plus secrettes qu’elle eût… non toutesfois à tous, et nullement à gens méchaniques et de vile condition, quelque argent que ceux-là luy eussent voulu donner. Elle aima les sçavans hommes sur tous, les favorisant de telle sorte que ceux de sa connoissance avoient la meilleure part en sa bonne grace, et les eût preférés à quelconque grand seigneur, et fait courtoisie à l’un plutôt gratis qu’à l’autre pour grand nombre d’écus, qui est contre la coutume de celles de son métier et qualité. »
   Après ce portrait, on ne trouvera pas surprenant que les gens d'esprit, contemporains de Louise Labé, se soient épuisés, pour ainsi dire, en éloges pour cette moderne Aspasie : non seulement un grand nombre d'auteurs François l'ont célébrée dans leurs ouvrages ; les Italiens même et les Espagnols, dans la langue desquels Louise Labé composa plusieurs piéces de vers, ont beaucoup vanté ses charmes et sa poësie. Tous conviennent qu'elle avoit une facilité merveilleuse pour faire des vers. On lui reproche d'avoir trop fidèlement copié la Sapho des anciens.
   Ses écrits furent imprimés à Lyon, en 1555, par Jean de Tournes, sous ce titre : Les Œuvres de Louise Labé, Lyonnoise, etc. On estime particulièrement son Dialogue en prose, intitulé : Débat de Folie et d'Amour dans une querelle qu'ils prirent ensemble, en se disputant le pas à la porte du palais de Jupiter, qui avoit invité tous les Dieux à un festin. Louise Labé dédia à sa bonne amie, Clémence de Bourges, cette fiction poëtique, qu'on a depuis tournée en tant de manières, et que divers poëtes ont voulu s'approprier. A la tête du Recueil des Œuvres de cette femme, on voit quantité de vers françois, italiens, latins et grecs, que divers poëtes firent en honneur.

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