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1775 Clément et La Porte

[Jean Marie Bernard Clément et Joseph de La Porte], Anecdotes dramatiques […]. Tome troisieme, Paris, Chez les Veuve Duchesne, 1775, p. 237-238.

Un exemplaire numérisé est consultable sur le site Gallica.

 

  LABÉ, (Louise Charly) que sa beauté et la profession de son mari, riche Négociant en cables et en cordes, ont fait appeler la Belle Cordiere, naquit à Lyon en 1526, et mourut dans la même Ville, à l'âge de quarante ans. Elle suivit un de ses Amants au Siege de Perpignan, où elle montra de la valeur. Tout étoit en elle au même degré ; l'esprit, la beauté, la science, les graces et la politesse : sa maison étoit le rendez-vous de tout ce qu'il y avoit à Lyon de personnes de distinction, de savants et de gens d'esprit ; c'étoit une espece d'Académie, où chacun trouvoit à s'amuser et à s'instruire. La conversation, le chant, les instruments, la lecture, tout étoit employé par la Muse qui y présidoit, et qui y excelloit. La galanterie n'étoit point exclue de ce docte et agréable Lycée ; et la Belle Louise, qui ne vouloit pas que rien manquât à la satisfaction générale, ne sut, dit-on, jamais refuser ses faveurs à ceux qui parurent les desirer : non que toutes sortes de personnes y eussent part ; il falloit être ou hommes de condition, ou hommes Lettrés ; et même ceux-ci étoient toujours préférés aux premiers. Dans la concurrence d'un savant ou d'un homme de qualité, dit un Historien, « Elle faisoit courtoisie à l'un, plutôt gratis, qu'à l'autre pour grand nombre d'écus. »1 C'étoit la Léontium ou la Ninon de son siecle ; ce que Louise dit d'elle-même, pouvoit convenir à toutes les trois.

    Le tems met fin aux hautes pyramides ;
    Le tems met fin aux Fontaines humides ;
    Il ne pardonne aux braves Colisées :
    Il met à fin les Villes plus prisées.
    Finir aussi il a accoutumé
    Le feu d’amour, tant soit-il allumé.
    Mais las ! en moi, il semble qu’il augmente
    Avec le tems, et que plus me tourmente.2

  Dans les Œuvres de la Belle Cordiere, imprimées à Lyon en 1555, et réimprimées dans la même Ville en 1762, on trouve une Pièce très-ingénieuse, la meilleure de toutes, intitulée Débat de Folie et d'Amour.

  • 1Citation d'Antoine Du Verdier
  • 2Elégie III, v. 77-84.
Reprise abrégée de l'article consacré à Louise Labé dans l'Histoire littéraire des femmes françoises de Joseph de La Porte et François de La Craise (1769).