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"D. M." / Olivier de Magny

D.M.

Sous les initiales D. M. qui figurent dans le titre de la pièce [19] des « Escriz de divers Poetes à la louange de Louïze Labé Lionnoize », on identifie Olivier de Magny, poète originaire de Cahors, encore à ses tout débuts. L’emploi des initiales sous cette forme est un peu étrange mais aucun doute ne subsiste sur l’auteur du fait de la republication de ce poème en deux odes distinctes dans son recueil d’Odes en 1559, l’une adressée à Antoine Fumée (f. [6]2v-65v), l’autre à Jean d’Avanson (f. 69v-70v), dont Magny est devenu le secrétaire fin 1554. La partition du poème [19] en deux odes en 1559 n’est pas étonnante et, de fait, elle était déjà sous-jacente en 1555 : cette pièce réunit en effet 22 sizains et 6 huitains, les premiers s’adressant à Antoine Fumée (v. 3) et les seconds à Jean d’Avanson (v. 176), ce que les titres de 1559 confirment. L’ode à Fumée porte clairement sur une femme lyonnaise mythifiée en nouvelle Méduse, et a sans doute été écrite en l’honneur de Louise Labé alors que l’ode, intitulée en 1559 « Du Temps et de l’Occasion présentée en une mommerie à M. d’Avanson », n’a pas de rapport explicite avec Labé.

Le titre de la pièce [19] : « Ode en faveur de D. Louise Labé, à son bon Seigneur. D. M. » a été sujet à interprétations divergentes. Le « bon Seigneur » de Magny en 1555 est sans conteste Jean d’Avanson. D’abord secrétaire d’Hugues Salel, Magny donne à Paris, en mars 1553, son premier recueil, Les Amours, accompagné de quelques inédits de Salel à qui il dédie le recueil, mais ce dernier meurt avant la fin juillet. Magny édite alors de manière posthume, en 1554, des inédits de Salel accompagnés de pièces qui lui rendent hommage (Les Unzieme, et douzieme livres de l’Iliade d’Homère, traduictz de grec en françois, par feu Hugues Salel, abbé de Sainct-Cheron, avec le commencement du treziesme, l’Umbre dudict Salel, faicte par Olivier de Maigny, et adressée à Monsieur d’Avanson, Maistre des requestes ordinaire de la maison du Roy, President en son grand Conseil, avec quelques autres vers mis sur son tombeau par divers poëtes de ce temps) et il offre donc cette édition à Jean d’Avanson, au service duquel il entre alors. Il l’accompagne à Rome et, sur le chemin, ils s’arrêtent à Lyon plusieurs semaines au début de l’année 1555. C’est là que Magny – peut-être déjà en relation avec Tyard dès 1554 – entre en contact avec le monde lettré lyonnais, et précisément avec Jacques Peletier, Maurice Scève et Louise Labé. Dans ses Opuscules, parus avec l’Art poëtique en 1555, là justement où il écrit une ode à Labé, Peletier donne un sonnet « A Olivier Demagni » (f. 101r) où il évoque « la vive connaissance » qu’il a maintenant de lui après une connaissance « à moitié », donc sans doute livresque du poète. À Maurice Scève, Magny offre une ode en 1559 (« De l’absence de s’Amye. À Maurice Sceve lionnois »). Quant à Labé, leur lien littéraire s’affirme à plusieurs endroits des Euvres et pas dans le seul poème [19] portant ses initiales.

D’une part, Magny donne trois (ou quatre) poèmes dans les « Escriz de divers Poetes » : un sonnet, la pièce [16] publiée ensuite dans Les Souspirs en 1557 ; un poème de Baïf, issu des Quatre livres de l’Amour de Francine (1555, f. 69v) et réaménagé pour être énoncé et signé par Magny, il s’agit de la pièce [15] ; cette ode [19], la seule portant signature, republiée en 1559 dans ses Odes. C’est sans doute à Magny aussi qu’il faut attribuer la présence d’un autre poème de Jean-Antoine de Baïf, tiré lui aussi des Quatre livres de l’Amour de Francine (f. 75v) la pièce [17], « O ma belle rebelle » mais que Magny ne s’attribue pas ouvertement cette fois.

D’autre part, Magny et Labé sont co-concepteurs de l’idée de deux poèmes, les sonnets 2 et 3 des Euvres de Labé et les sonnets 55 et 66 des Souspirs de Magny. Les sonnets 2 et 55 partagent leur huit premiers vers, preuve d’un jeu littéraire entre eux, tandis que les sonnets 3 et 66 imitent le même sonnet italien de Jacques Sannazar, preuve d’une émulation. On a donc bien la preuve d’un lien entre eux, lien poétique certain, à partir duquel les biographes (suivant l'exemple de Guillaume Colletet) ont parfois imaginé un lien amoureux, dont nous ne savons rien.