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1728 Solignac

[Pierre Joseph de Solignac], Les Amours d'Horace, Cologne [= ?], Pierre Marteau [= ?], 1728, p. 82-89.

Un exemplaire numérisé est consultable sur le site Google Livres.

 

   […] presque toutes les femmes de ce Siecle […] n'aiment point la chalandise des Gens de Lettres, et […] s'imaginent qu'un homme ne sauroit avoir un grand fonds d'esprit, que ce ne soit autant de rabattu en lui sur tous les autres dons de la Nature.

   Ce sentiment paroit assez étrange, et je ne sai ce qui peut y avoir donné lieu. Du moins autrefois, les Femmes, pour la plupart, ne pensoient pas de la sorte.

   Il me souvient ici de la fameuse Laïs qui fit tant de fracas à Corinthe […].

   J'aurois tort d'oublier ici une autre Femme, nommée Hipparchia. Charmée des discours du Philosophe Crates, elle voulut l'épouser à quelque prix que ce fût. […] Elle prit l'Habit de l'Ordre, et dans l'équipage de Philosophe, elle se résolut de courir le Monde en la compagnie de son cher Epoux, qu'elle estimoit, avec sa bosse, sa besace et son manteau, le plus beau et le plus riche de tous les Hommes.

   Puisque je suis sur cette matiere, il faut que je rapporte encore ici un autre exemple qui me vient dans l'esprit. C'est celui de Louise Labe ; mais je vais le rapporter dans les propres termes de Du Verdier, qui ont une naïveté admirable. Loyse Labe, dit-il [Du Verdier Vau-privas, Bibl. Françoise, pag. 822], Courtisane Lyonnoise (autrement nommée la belle Cordiere, pour estre mariée à un bon-homme de Cordier) piquoit fort bien un cheval, à raison de quoi les Gentilshommes qui avoyent accez à elle l'appelloyent le Capitaine Loys ; femme au demeurant, dre bon et gaillard esprit, et de médiocre beauté : recevoit gracieusement en sa maison, Seigneurs, Gentilshommes, et autres personnes de mérite, avec entretien de devis et discours, Musique tant à la voix qu'aux Instrumens, où elle estoit fort duicte ; lecture de bons Livres Latins et vulgaires Italiens et Espaignols, dont son Cabinet estoit copieusement garni ; Collation d'exquises Confitures ; en fin, leur communiquoit privément les pieces plus secretes qu'elle eust, et pour dire en un mot, faisoit part de son corps à ceux qui fonçoyent : non toutesfois à tous, et nullement à gens méchaniques et de vile condition, quelque argent que ceux-là luy eussent voulu donner. Elle ayma les savans hommes sur tous, les favorisant de telle sorte, que ceux de sa cognoissance avoyent la meilleure part en sa bonne grace, et les eust préféré à quelconque grand Seigneur, et fait courtoisie à l'un plustost gratis, qu'à l'autre pour grand nombre d'escus : qui est contre la coustume de celles de son mestier et qualité.

   Cette femme florissoit à Lion sous Henri II. Elle a été mise entre les Auteurs François [La Croix du Maine, pag. 291] : ses Œuvres furent imprimées à Lyon l'an 1555. Elles renfermoient un Dialogue en Prose Françoise, intitulé : Le Debat de Folie et d'Honneur ; et plusieurs Poësies de sa façon, avec les Ecrits de divers Poëtes à sa louange, en Vers Grecs, Latins, Italiens et François.

   Ce n'étoient pourtant pas précisément les Sciences, que ces femmes aimoient dans les Savans ; elles cherissoient les Savans eux-mêmes [Voy. Bayle, Art. Hipparchia, Not. G.]. […]

 

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