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Ornements

Le livre ne contient aucune illustration, mais il est rythmé par un ensemble d’ornements, qui entrent en écho avec l'encadrement d'arabesques de la page de titre : bandeaux, fleurons, lettrines.

Les bandeaux

L’univers graphique défini par cet encadrement se prolonge dans l’emploi, en haut de page, de trois bandeaux d’arabesques, également gravés sur bois, de même dimension (70 x 7 mm). Leur apparition dans le matériel de l’atelier semble corrélée à l’apparition de l’encadrement d’arabesques : l’ensemble contribue à créer une nouvelle esthétique pour les volumes in-octavo, esthétique semble-t-il inspirée par un recueil d’ornements imprimés à Bâle en 1549 par Rudolph Wyssenbach et dus au moins en partie au dessinateur Peter Flötner (1485-1546).

Le premier bandeau apparaît dès la p. 3, en tête de l’épître liminaire « A M. C. D. B. L. », et on le retrouve p. 100, en tête de la section des « Elegies »  :

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On trouve également ce bandeau dans L’Amour des amours de Peletier (1555, p. 3 et 102) ou dans le Discours du temps de Tyard (1556, p. 1).

Un deuxième bandeau [BaTyR, n° 114 ; Fleuron, or6004] apparaît p. 9, à l’ouverture du "Debat de Folie et d'Amour" :

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Présent dès l’édition du De’ Prodigii d’Obsequens en 1554 (p. 5), il est utilisé très fréquemment ensuite, par exemple trois fois dans L’Amour des amours de Peletier (1555, p. 63, 111, 148), deux fois dans son Art poëtique (1555, p. 3, 94) et une fois dans son Dialogue de l’Ortografe (1555, p. 5). Il figure encore dans le matériel transporté à Genève par Jean II de Tournes, puisqu'il est présent par exemple en 1601 dans le Variorum poematium liber de Jean Jaquemot (1601, p. 17, 42, 68, 94, 134) : il permet même d’attribuer à l’atelier de Jean II l’impression sans adresse typographique de la Conference par escrit, entre Pierre Cotton, Jesuite, et André Caille, Ministre du sainct Evangile (1599, p. 20, 63, 102).

Un dernier bandeau [Fleuron or6007] apparaît p. 125, en tête des "Escriz de divers Poëtes" :

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Ce bandeau a la particularité d’avoir été utilisé indifféremment à l’endroit et à l’envers, aussi bien par Jean I de Tournes (Peletier, Dialogue de l’Ortografe, 1555, p. 28 et 70) que par Jean II (Conference par escrit…, 1599, p. 5 et 56).

 

Les fleurons

D’autres ornements viennent animer la lecture des Euvres de Louïze Labé Lionnoize : il s’agit des fleurons, de dimensions et d’usages différents.

Le plus grand, particulièrement remarquable, apparaît en pleine page (p. 8), entre l’épître liminaire et le "Debat de Folie et d'Amour" : cette page dépourvue de texte permet au Dialogue, après les 5 pages de l’épître, de débuter lui aussi en « bonne page » (page de droite).

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On ne sait pas qui a gravé sur bois ce grand losange cintré d’arabesques (60 x 60 mm), étroitement inspiré par l’un des losanges publiés par Wyssenbach en 1549, et qu’on peut rapprocher d’un autre losange, plus grand, qui se trouve à la fin de chaque volume des Marguerites de la Marguerite des Princesses (1547). On le rencontre dans des livres de divers formats imprimés par de Tournes à partir de 1553, pleine page dans les livres in-8° (par exemple The true and lyvely historyke purtreatures of the woll Bible, 1553, f. A5 v° et f. N8 r°), ou en cul-de-lampe dans des formats plus importants : Astronomique discours de Jacques Bassantin, 1557, in-fol., p. 12 ; Premier volume de l’histoire et chronique de messire Jehan Froissard, 1559, in-fol., f. tt4 r°. Ce fleuron demeure utilisé par les héritiers de Jean I jusqu’au XVIIe siècle et, selon H. D. L. Vervliet, on rencontre d’autres versions comparables chez des imprimeurs parisiens, anversois ou caennais [Vervliet 2016, 172-173, n° 97 ; BaTyR, n° 2033].

Un autre fleuron gravé sur bois apparaît p. 111 (f. g8 r°), à la fin des "Elegies" :

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Il s’agit également d’un losange, beaucoup plus petit (26 x 26 mm), utilisé par l’atelier en cul-de-lampe à partir de 1553 (Juvencus, Sacra Poësis, in-16, p. 130) [Vervliet 2016, p. 171, n° 96)].

Les autres fleurons sont issus de pièces métalliques. Le plus important (20 x 6 mm) apparaît p. 3 (f. a2 r°) entre la suscription « A M. C. D. B. L. » et le texte de l’épître liminaire :

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Ce fleuron est utilisé par Jean de Tournes depuis 1548 et par d’autres imprimeurs lyonnais. Il fera encore partie du matériel de Jean II de Tournes à Genève. H. D. L. Vervliet l’attribue à Robert Granjon et considère qu’il est inspiré d’un fleuron vénitien utilisé depuis 1542 par Gabriele Giolito [Vervliet 2016, 36, n° 9 ; Vervliet 2018, 113, fig. 10].

Les autres fleurons sont constitués d’un ensemble de « feuilles de vigne », semblables à celle de la page de titre, qui apparaissent au début de différentes sections du livre : le Debat et ses différents « Discours » (p. 9, 10, 21, 25, 30, 34) ; les Elegies (p. 100) ; le sonnet « Aus poëtes de Louïze Labé » (p. 124) ; le « Privilege du Roy ».

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Les lettrines

L’ouvrage recourt enfin à deux séries de lettrines, de dimensions différentes, toutes deux en caractères romains.

Les plus grandes (27 x 27 mm) figurent au début de l’épître liminaire (p. 3) et du premier « Discours » du Débat (p. 9). Il s’agit d'un E et d’un A [BatyR, n° 5706]. La lettre apparaît en blanc sur fond blanc orné d’arabesques, sans filet [Cartier 1937, 62].

lettrine E lettrine A

Des lettrines plus petites (16 x 16 mm) sont utilisées au début des quatre « Discours » suivants du Debat : O (p. 21 [BaTyR, n° 10587]), S (p. 25 et 34 [BaTyR, n° 10439]) et Q (p. 30 [BaTyR, n° 9835]. Il s’agit cette fois de lettres noires, toujours sans filet et sur fond blanc orné d’arabesques.

lettrine O lettrine S lettrine Q lettrine Sbis

Cette série figure parmi les plus utilisées dans la production des de Tournes, père et fils [Cartier 1937, 62].

 

Sources

BaTyR : Base de Typographie de la Renaissance (Bibliothèques Virtuelles Humanistes)

url : http://www.bvh.univ-tours.fr/batyr/beta/index.php

CARTIER, Alfred, Bibliographie des éditions des de Tournes, imprimeurs lyonnais, mise en ordre avec une introduction et des appendices par Marius Audin et une notice biographique par Eugène Vial, 2 vol., Paris, Éditions des Bibliothèques nationales de France, 1937-1938.

- [Fleuron] Fleuron. Banque d’ornements d’imprimerie (BCU Lausanne)

url : https://db-prod-bcul.unil.ch/ornements/scripts/Info.html

KAMMERER, Elsa, « Lyon, capitale d’imprimerie. Les Figures de la Bible multilingues dans l’atelier de Jean de Tournes (1545-1565) », dans Imprimeurs et libraires de la Renaissance. Le travail de la langue, éd. Elsa Kammerer et Jan-Dirk Müller, Genève, Droz, 2015, p. 176-221.

VERVLIET, Hendrik D.L., Vine Leaf Ornaments in Renaissance Typography. A Survey, New Castle – Houten, Oak Knoll Press – HES & DE GRAAF Publishers, 2012.

VERVLIET, Hendrik D.L., Granjon’s Flowers. An Enquiry into Granjon’s, Giolito’s, and De Tournes’ Ornaments ; 1542-86, New Castle, Oak Knoll Press, 2016.

VERVLIET, Hendrik D.L., Robert Granjon, letter cutter ; 1513-1590 : an œuvre-catalogue, New Castle, Oak Knoll Press, 2018.