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"Robillart" / Nicolas Robillart

ROBILLART

L'extrait du "Privilege royal" accordé à "Louïze Labé, Lionnoize" pour la publication de ses Euvres est signé, le 13 mars 1555, du nom "Robillart". On ne possède pas d'informations sur la manière dont Louise Labé a sollicité et obtenu ce privilège (qui interdit pour 5 ans au nom du roi que l'on imprime le texte sans l'autorisation de son autrice), mais on peut facilement identifier le signataire de ce document : il s'agit de Nicolas Robillart (ou Robillard), reçu en l'office de secrétaire du roi le 8 mai 1545, office qu'il conserve jusqu'au 19 novembre 1561, et procureur au Grand Conseil. Robillart appartient à une famille dans laquelle l'historien Robert Descimon a vu "un exemple de mobilité sociale et géographique" au XVIe siècle, puisque "des fils de paysan y sont secrétaire du roi ou conseiller au parlement, une veuve d'avocat épouse un marchand laboureur…" [Descimon 2007, p. 315]. On a conservé, parmi divers autres actes officiels, plusieurs privilèges de librairie signés par Robillart, entre 1547 et 1557 : par exemple deux privilèges successifs pour des éditions posthumes de L'Institution du prince de Guillaume Budé (9 mai et 13 septembre 1547), un privilège général pour les impressions musicales des parisiens Adrian Le Roy et Robert Ballard (14 août 1551), divers privilèges pour l'imprimeur lyonnais Macé Bonhomme (7 mars 1554, 8 août 1556)… Outre les Euvres de Louise Labé, Jean de Tournes a imprimé en 1561 un autre livre protégé par un privilège d'auteur signé par Nicolas Robillart : le recueil de gravures L'Apocalypse figurée, unique livre signé par l'orfèvre Jean Duvet, livre pour lequel Duvet avait lui-même sollicité et obtenu ce privilège, signé par Robillart le 3 juin 1556.

Afin de créer un soupçon quant au privilège royal accordé à Louise Labé – privilège dont l'existence suffit à démentir l'hypothèse selon laquelle "Louïze Labé, Lionnoize" serait étrangère à la publication des Euvres de Louïze Labé Lionnoize –, Mireille Huchon a cherché à faire de Robillart un "très facétieux secrétaire" [Huchon 2020, p. 42], sur la foi d'une anecdote scatologique rapportée en 1592 par Antoine Du Verdier, mettant en scène un secrétaire du roi nommé Robillard. Ce soudain "mal de ventre" ne suffit pas à altérer le sérieux avec lequel Nicolas Robillart semble avoir accompli ses charges tout au long de sa belle carrière. Au XVIe siècle, il n'est simplement pas envisageable, pour un secrétaire du roi, de laisser imprimer, qui plus est par deux fois (en 1555, puis en 1556), une "plaisanterie" qui aurait impliqué le nom du roi.

Sources

BENEVENT, Christine et WALSBY, Malcolm, "Les premières éditions imprimées de l’Institution du Prince de Guillaume Budé : une histoire à réécrire", Histoire et civilisation du livre, vol. 11, 2015, p. 239-275.

CHARTON-LE CLECH, Sylvie, Chancellerie et culture au XVIe siècle (les notaires et secrétaires du roi de 1515 à 1547), Toulouse, PU du Mirail, 1993.

CHEVALIER, Casimir, Diane de Poitiers au Conseil du Roi. Épisode de l’histoire de Chenonceau sous François Ier et Henry II 1535-1556, Paris, Gustave Aubry, 1866.

DESCIMON, Robert, « Transmission collatérale et reproduction népotique au XVIe siècle. Un exemple de mobilité sociale et géographique (les Robillart de Valenton, de Paris et de Normandie) », dans Mélanges offerts au professeur Maurice Gresset, textes réunis par Paul Delsalle, François Lassus, Corinne Marchai et François Vion-Delphon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007, p. 311-318.

HUCHON, Mireille, Le Labérynthe, Genève, Droz, 2020.

TESSEREAU, Abraham, Histoire chronologique de la grande chancellerie de France, Paris, Pierre Le Petit, 1676.